Exploit de Nicolas Jean MOULIN : médaille de bronze sur 400m haies aux « France Elite »
Alors que tous les meilleurs spécialistes français du 400 m haies étaient présents à Angers pour les ‘’France Elite’’, rendez-vous incontournable pour une sélection aux Jeux Olympiques, et alors qu’il se présentait avec le 7 temps des 24 athlètes sélectionnés, Nicolas Jean, encore Espoir, a bousculé la hiérarchie des Seniors pour se glisser sur le podium.
Mais ce n’est ni de la chance, ni incroyable pour ceux qui ont partagé cette saison si particulière avec lui, alors, pour comprendre, prenez le temps de lire cet article.
Quand, vous saurez qu’au cœur de l’hiver, avec son copain d’entraînement Babacar DIOP, dont on reparlera plus loin, alors que le confinement et le couvre-feu étaient en vigueur, leur séance de musculation se passait en extérieur, sous le seul éclairage du lampadaire public proche du stade, après avoir sorti du local de matériel, les appareils de musculation que nous y avions stockés suite à l’annonce de la fermeture des salles de sport, vous comprendrez déjà le degré d’investissement et de motivation dont sont capables ces deux athlètes.
Quand vous saurez que depuis qu’il est cadet, et avant ce podium en Elite, Nicolas Jean est monté déjà quatre fois sur un podium de championnat de France (60 m haies et 110 m haies en cadet, 60 m haies juniors, 400 m haies en espoir), vous saisirez ses qualités de compétiteur.
Quand vous saurez qu’il ne s’est spécialisé sur 400 m haies qu’à l’été 2019, vous comprendrez à la fois ses difficultés à maîtriser cette course et aussi la marge de progrès qu’il lui reste dans cette magnifique discipline du ‘’4H’’.
Une série incroyable :
Alors, revenons-en à ce vendredi 25 juin, sur le très beau stade d’Angers : il est 18 h 20, le vent, qui souffle de façon irrégulière sera de face au départ, la température est douce et la 1ère série du 400 m haies est au départ. Nicolas Jean est au couloir 3 contre des adversaires qui ont de meilleures performances d’engagement que lui : Ludvy Vaillant, 12 fois international A, demi-finaliste au championnat du Monde en 2019 et Edgar Levard, vice-champion de France Elite en 2020.
Pour se qualifier en finale il faut se classer dans les deux premiers de sa série ou faire partie des 2 meilleurs troisièmes des 3 séries.
Nicolas Jean se lance sans hésitation dans la course et passe la 5 haie en 2ᵉ position, à une allure (trop ?) rapide par rapport à son record, sur le rythme de 15 foulées entre les obstacles qui lui convient bien…
Pour les non-spécialistes, je me permets une parenthèse à ce récit : le 400 m haies, comme le 400 m, est une course ou l’on perd progressivement de la vitesse à cause de la fatigue, mais comme il y a 10 haies à franchir cela entraîne une sacrée difficulté : il faut adapter son nombre de foulées entre les haies pour franchir toujours de la ‘’bonne jambe’’ si l’on ne maîtrise pas le franchissement avec la ‘’mauvaise jambe’’, ou pour alterner les franchissements des deux jambes, sachant qu’avec la fatigue le franchissement non maîtrisé d’une haie avec sa mauvaise jambe, et qui plus est en virage, peut facilement provoquer la chute.
Comme je vous l’ai dit, Nicolas Jean est, au départ de sa formation athlétique, un coureur de 110 m haies, donc très automatisé pour franchir les haies toujours de la même jambe. Bien sûr, dès sa reconversion au 400 m haies, nous avons travaillé la technique de franchissement de l’autre jambe.
Mais s’il réalisait ce geste correctement à l’entraînement, il n’avait pas confiance en lui pour se lancer en compétition. Il courait donc toujours en utilisant son meilleur pied d’appel, passant de 15 foulées à 17 foulées (un nombre de foulées impair signifie qu’on franchit toujours les haies avec le même pied d’appel). La conséquence était que ses adversaires le distançaient dès qu’il devait ajouter deux foulées dans chaque intervalle.
Dix jours avant les France Elite, après une nouvelle course ratée, au meeting de Cergy, terminant 5ᵉ de la course en 52’’69, Nicolas Jean a vraiment pris conscience de l’absolue nécessité de changer sa façon de courir. Cet échec lui a été plus profitable que sa course de début de saison où il avait battu son record en 51’’60.
Et oui, comme souvent, si on sait analyser les causes de son échec, qu’on accepte de travailler pour y remédier et qu’on a l’occasion de mettre en application les transformations apportées, on en ressort plus fort.
Alors pendant ces 10 jours qui précédaient les Elite, nous avons repris le travail des fondamentaux et mis en place des situations pour qu’il ose franchir des haies de sa ‘’mauvaise jambe’’ en situation de fatigue.
… la 6ᵉ haie est franchie toujours en 15 foulées et le moment le plus important de la course arrive : l’intervalle où il va devoir ajouter une foulée (franchissement mauvaise jambe) ou 2 (rester sur sa ‘’bonne jambe’’). BRAVO, il se lance et réussit un franchissement très propre sur la 7 haie avec sa ‘’mauvaise jambe’’. Et cela change tout car en maintenant qu’il est en 16 foulées, il va retrouver sa ‘’bonne jambe sur la 8 haie. Galvanisé par cette réussite, Nicolas Jean réussit une fin de course superbe, même si pour franchir les 2 dernières haies il passe en 17 foulées afin de retrouver sa ‘’bonne jambe’’ et d’assurer la qualification en finale qu’il se sent capable d’aller chercher en entrant dans la dernière ligne droite.
Un grand sourire illumine son visage quand le résultat s’affiche sur l’écran géant : 2ᵉ de sa série et donc qualifié directement en finale, avec un nouveau record personnel en 51’’12, meilleure performance française de l’année dans la catégorie espoir.
Je suis content moi aussi, bien entendu, mais à l’analyse de sa course, je vois qu’il piétine à l’approche des deux derniers obstacles, ce qui signifie qu’il doit prendre encore davantage confiance en lui pour terminer ses courses en 16 foulées et donc franchir une haie de plus, la 9, avec sa ‘’mauvaise jambe’’.
Une fois que les 3 séries sont terminées, on découvre que Nicolas Jean possède le 3 temps des qualifiés pour la finale, que quelques athlètes mieux classés que lui au bilan se sont fait éliminer, mais aussi que l’un des favoris pour le podium, Victor COROLLER, médaillé de bronze au championnat d’Europe Espoir en 2017, a remporté sa série sans forcer en 51’’65 alors que son meilleur temps de la saison est de 49’’74.
Cette très belle 2 place lui offrira un couloir central pour la finale du lendemain, et très vite on sait qu’il sera placé au couloir 4, derrière les 2 favoris pour le titre, Ludvy Vaillant, 49’’22 cette saison, et Wilfried Happio, 49’’27 en juin dernier. Et il aura juste derrière lui Victor Coroller, autre favori pour le podium.
Croyez-vous que Nicolas Jean allait se dire c’est super j’ai battu mon record, je suis en finale, j’ai donc réussi mon championnat ? Eh bien non, car je vous l’ai dit, c’est un formidable compétiteur, comme ses précédentes médailles nationales le prouvent. Donc immédiatement, sa volonté a été de monter sur le podium. Il me dit : ‘’je me sens bien, je crois que je peux faire mieux en finale, car à la fin de ma série, j’ai regardé autour de moi pour être certain de terminer 2ᵉ’’. Gonflé, face à des adversaires qui ont tous les trois réussit moins de 50 secondes cette saison alors que Nicolas Jean n’est jamais descendu sous les 51 secondes !
Une finale de rêve :
Ce projet, Nicolas Jean allait le mener avec une assurance et une autorité incroyable.
Pas du tout impressionné par le contexte, il se lançait dans cette finale Elite avec autant de fougue que la veille et assurait à nouveau un très bon passage de sa ‘’mauvaise jambe’’ à la 7 haie. Ce départ rapide et le maintien de son rythme de course dans le 2 virage perturbait Victor Coroller, qui s’attendait peut-être à remonter facilement ce ‘’jeune espoir à plus de 51’’ placé devant lui.
Toujours est-il qu’à l’entrée de la dernière ligne droite Nicolas Jean débouchait en troisième position !
Qu’allait-il se passer maintenant ? Nicolas Jean, comme la veille choisissait d’ajouter une foulée pour franchir les deux dernières haies de sa ‘’bonne jambe’’, mais cela n’allait-il pas permettre à Victor Coroller de le remonter ? Non, car Nico jetait toutes ses forces dans les derniers 40 mètres qui séparent la 10 haie de la ligne d’arrivée et c’est son nom que le speaker annonçait pour la 3 place à la fin de la course, nous apprenant en prime qu’il descendait pour la première fois de sa carrière sous les 51 secondes : 50’’98, meilleure performance française de l’année dans sa catégorie et bien sûr, nouveau record du club.
Des émotions partagées :
Vous le savez tous, les grands championnats sont source d’émotions fortes. Et c’est encore mieux lorsqu’elles sont partagées. Alors merci à tous pour vos messages d’encouragement et de félicitations. Vous avez été si nombreux à nous soutenir, anciens dirigeants du club (Max, Sylvie et Christian, Michel, Olivier), nouveaux dirigeants (Laetitia, Alain et Sylvia, Luc), entraîneurs du club (Bruno, Cédric, Eric, Fabrice, Sylvain, Aurore, Imad), ainsi que tous les athlètes du groupe qu’on avait l’impression de courir chez nous !
D’autant plus que, comme à chaque championnat de France Elite, Brice Panel (pour les plus jeunes, Brice est un ancien athlète de l’EASQY , sélectionné aux Jeux Olympiques de Pékin) avait fait le déplacement et n’était pas le dernier à encourager Nico et à le féliciter après sa médaille de bronze lui apprenant qu’ils n’étaient que 4 athlètes de l’EASQY à être monté sur un podium des France Elite : Patricia Lossouarn (1 fois au semi-marathon), Aïsseta Diawara (6 fois sur 100m haies et 3 fois sur 60m haies en salle) et Brice Panel (4 fois sur 400m piste et 3 fois sur 400m en salle).
Une pensée particulière pour Babacar :
Comme je vous le disais au début de mon récit, Babacar Diop est le partenaire d’entraînement de Nicolas. Plus que partenaires, ils sont amis et c’est un message vraiment très touchant qu’il nous a envoyé samedi après la finale. Babacar aurait dû, lui aussi, être sur la piste et battre son record personnel lors de ce championnat, car il s’est entraîné toute l’année avec Nico, le poussant souvent à se dépasser (avec Imad, nous avons souvent fait le constat que Nico progressait grâce à la présence de Babacar dans les séances). Mais une tendinite du talon d’Achille, tenace et inguérissable malgré les séances de kiné, l’a privé de compétitions. C’est vraiment rageant quand on se souvient des efforts consentis durant les mois de préparation. L’athlétisme est un sport ingrat, nous le savons tous. Mais c’est aussi un sport magique qui donne envie de persévérer et Babacar nous assuré que la réussite de Nicolas lui donnait encore plus envie de revenir à son meilleur et de retrouver lui aussi le chemin des records et des podiums. Nul doute que Nicolas l’aidera à y parvenir.